Projet lié au financement de l’achat de terrains Pantani Cuba et Longarini
Sud-est de la Sicile

La renaissance des zones humides de Pantani, un hotspot pour les oiseaux migrateurs sur la route migratoire centrale, qui relie l'Europe centrale à la côte nord-africaine

Origine géologique des zones humides (Pantani) Longarini, Cuba et Bruno

Les zones humides lagunaires de Pantano Cuba et Longarini, sur la côte sud-est de la Sicile, se situent sur une vaste plaine d'affaissement qui se trouvait autrefois en partie sous le niveau de la mer. Ces particularités géologiques ont créé une baie profonde, dans laquelle a été construit un grand port commercial, point d’escale très fréquenté depuis l’Antiquité. À la fin du XVIIIe siècle, la lente élévation du sol et les fluctuations eustatiques du niveau de la mer ont entraîné la formation d’une longue chaîne de dunes séparant la partie intérieure de la baie de la mer ouverte. Par la suite, l'ancienne baie, devenue marécageuse, a formé la zone humide actuelle (Pantani).

Un port commercial historique

Les trois Pantani – Cuba, Longarini et Bruno – s'étendent le long de la côte sud-est de la Sicile, de Pachino jusqu'à Pozzallo. Cette zone côtière était déjà connue et exploitée dans l'Antiquité! Les premiers établissements grecs dans cette région remontent au VIIIe siècle avant J.-C. Au fil de l’histoire, elle est devenue une région portuaire importante pour les navires arrivant de Grèce, d'Afrique et d'Orient.

Près de l'embouchure du Pantano Longarini, le promontoire rocheux de Punta Castellazzo s'avance dans la mer sur environ 250 m. Ce cap dessine le contour de la baie, connue sous le nom de «Porto Ulisse». À l'époque romaine et byzantine, Porto Ulisse était un port d'escale important pour les navires venant de Grèce et d'Égypte, transportant des céréales et du vin vers Rome, ainsi que pour le chargement de produits de l'arrière-pays sicilien à destination de Rome et de l'Orient.

Ces relations commerciales ont été attestées en 1963 par la découverte, près de Pantano Longarini, d'un navire marchand vraisemblablement byzantin datant du VIe siècle après J.-C. Ce navire, construit en bois de cyprès, de chêne et de pistachier, mesurait environ 40 mètres de long (Throckmorton & Kapitan, 1968).

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L’assèchement des zones humides de Pantani, sur la côte sud-est de la Sicile

De 1910 à 1942, la plupart des zones humides de Sicile ont été asséchées pour créer de nouvelles terres cultivables. Avant que cette vaste entreprise d'assèchement ne soit mise en place, la plaine d'Ispica comptait 16 zones humides, pour une superficie totale de plus de 4 km². Or, après les derniers drainages réalisés entre 1950-1960, seules trois zones humides, à savoir Cuba, Longarini et Bruno, ont subsisté, faute de moyen pour la poursuite des travaux d’assèchement.

Ces interventions significatives sur le paysage sicilien, considérées à l'époque comme une victoire de la civilisation sur la nature, ont en réalité détruit un écosystème important et unique, fortement modifié le microclimat local et causé de graves dommages à l'environnement. Cet impact délétère est en outre comparable à celui engendré par la construction massive et illégale de nombreux bâtiments sur la côte (sans plans d'urbanisme ni permis de construire) dans les années 1970 et 1980.

Les exploitations piscicoles

Vers 1970, le propriétaire de la lagune Pantano Longarini a modifié en profondeur la structure de la lagune pour y établir une installation d'élevage de muges (Mugilidae). Dans la partie sud de la zone humide, un système de canaux en chevrons a été construit. Ces conduits, qui mesurent jusqu'à 12 m de large et, au total, environ 1 km de long, sont reliés à la mer par un canal de 200 m de long, 1,5 m de profondeur et 4,0 m de large. C'est par ce chenal d'embouchure que les poissons marins et les crabes devaient pénétrer dans le système de canaux, créant ainsi la base d'une pisciculture commerciale.

Malgré l’ampleur de ces travaux, la pisciculture a été abandonnée. En effet, en plus de contribuer à la destruction du biotope, les aménagements susmentionnés se sont révélés extrêmement coûteux. De plus, l'ensablement constant de l'embouchure du canal, qui n'est plus relié à la Méditerranée que pendant les hivers les plus pluvieux et lorsque le niveau de l'eau est élevé, a très vite entraîné des coûts exorbitants. Le manque de rentabilité a donc entraîné la fermeture de l’exploitation.

Cependant, des poissons de mer, des homards et des crabes peuvent sporadiquement accéder au système de canaux. Avec les millions de bivalves vivant dans les lagunes Pantano Longarini et Pantano Cuba, ils constituent une riche base alimentaire pour les oiseaux qui trouvent refuge sur le site. En effet, diverses espèces d'oiseaux méditerranéens – flamant rose, bihoreau gris, héron garde-bœuf, goéland leucophée – ainsi que plus de 60 espèces d'oiseaux migrateurs du nord et du centre de l'Europe – balbuzard pêcheur, busard des roseaux, cigogne blanche, cigogne noire, aigrette garzette, courlis cendré, bécassine des marais, combattant varié, vanneau huppé, bécassine minute, chevalier aboyeur – profitent de cet habitat humide.

Éléments perturbateurs

Les lagunes accueillent des dizaines de milliers d’oiseaux, non seulement durant les périodes de migration, en automne et au printemps, mais également pendant la saison d’hivernage. La forte concentration aviaire a transformé le complexe de zones humides en une zone de chasse et de braconnage renommée et rentable. N’étant plus exploitée économiquement, la région n’était plus contrôlée: ici, tout ce qui avait des plumes était abattu, même en dehors des saisons de chasse officielles.

Le manque de surveillance et l’étendue considérable du site ont contribué, et contribuent encore, à ce que les lagunes et leurs côtes soient transformées en décharges illégales, notamment pour des déchets toxiques.

Les sols fertiles, autour des lagunes et sur leurs berges, en font un lieu propice à la production de légumes, de céréales, ainsi qu’à la viniculture. Ainsi, l’agriculture s’y est faite de plus en plus intensive au cours des dernières décennies. Or, cette évolution a des conséquences fatales sur l'extraordinaire biodiversité des lagunes, la qualité de l'eau et la végétation. En certains endroits, des serres tunnels, exploitées intensivement pour produire jusqu'à trois récoltes par an, sont installées sur les rives de la lagune. Par conséquent, les fortes pluies des mois d'hiver entraînent le lessivage de grandes quantités de produits agrochimiques toxiques et d'engrais artificiels. Ces derniers ruissellent jusqu’à terminer leur course dans l’eau des lagunes ou, en certains endroits, dans les roselières qui les bordent.

La biomasse non utilisée, ainsi des déchets et des ordures, sont régulièrement brûlés sur les terres agricoles autour des zones humides. Ces pratiques sont particulièrement fréquentes au début du printemps et de l'automne, et des incendies délibérés et criminels détruisent les roselières et les maquis le long des lagunes. La suie et les polluants contaminent l'environnement en général et, par conséquent, les eaux des lagunes.

Objectifs de protection

Pour notre fondation, il est capital de restaurer l'intégrité écologique de cet hotspot pour la faune aviaire migratrice et de lui rendre sa fonction de lieu de repos et d'alimentation, indispensable à des centaines de milliers d'oiseaux migrateurs d’Europe septentrionale et centrale. Atteindre cet objectif nécessite notamment de se placer en première ligne pour faire barrage au braconnage et à la chasse aux oiseaux. C’est pourquoi, le président du conseil de fondation a décidé, en mai 2013, de lancer un projet à grande échelle en faveur de la conservation de la nature et des espèces, conjointement avec notre fondation sœur allemande. A l’heure actuelle, notre souhait est de développer et poursuivre ce projet de manière cohérente au fil des ans.

Pour garantir le succès durable, à moyen et long terme, de cet investissement stratégique de la fondation en faveur de la biodiversité et des oiseaux migrateurs, nous avons choisi de procéder à l'acquisition des terrains de la zone de Pantani. Grâce à cette initiative, nous espérons offrir aux oiseaux migrateurs un lieu de refuge qui pourrait à l'avenir atteindre une superficie totale de 480 hectares (4 800 000 m²).

Notre engagement dans le projet

En novembre 2013, notre fondation sœur allemande a pu inaugurer cette grande initiative de protection des oiseaux migrateurs, prévue sur la côte sud-est de la Sicile. En effet, en remportant aux enchères, lors d'une vente menée par le tribunal de Syracuse (Sicile), environ 82 ha (820 000 m²) de terrain, elle a posé la première pierre de ce projet d’envergure.

Cette acquisition, qui comprenait la lagune Pantano Cuba, mais aussi des roselières et des terrains riverains, a été la première conclue par la fondation allemande Stiftung Pro Artenvielfalt en dehors de l'Allemagne. À ce jour, l'achat des deux lagunes d'eau douce «Pantano Cuba» et «Pantano Longarini», ainsi que des terrains situés sur la rive adjacente, a permis de créer une réserve naturelle de près de 392 hectares (3 920 000 m²). C’est l'équivalent de la surface d'environ 550 terrains de football qui se voit dédié à la conservation de la précieuse aire de repos et d'alimentation pour les oiseaux migrateurs (hotspot) que constituent ces zones humides!

Vous trouverez ici un aperçu des propriétés de notre fondation.

Le chemin menant à cette réussite a été semé d'embûches et l’avenir ne s’annonce pas non plus de tout repos. En effet, de nombreuses personnes en Sicile et en Italie ont encore du mal à comprendre l'importance de la protection de la nature, de ses ressources et de sa biodiversité unique, et n’y voient qu'une source de profit ou un lieu de loisirs.

Ce projet n’aurait pas pu voir le jour sans le soutien continu et généreux de nos donateurs, sympathisants et amis. De plus, nous avons pu compter sur les efforts considérables de nos bird guards siciliens, ainsi que sur l’engagement, sur place, de nombreux bénévoles, venus de toute la Sicile mais aussi de l'Italie continentale, de l'Allemagne et de la Suisse. Grâce à cet incroyable réseau, nous avons réussi à créer, étape par étape, une réserve ornithologique, en plein cœur de la côte méditerranéenne, dans ce hotspot pour les oiseaux migrateurs. Pour ce faire, nous avons:

• débarrassé les terrains de montagnes de déchets illégaux
• éliminé systématiquement des milliers de plantes invasives (non indigènes)
• planté des centaines d'arbustes méditerranéens sauvages, d'oliviers, d'amandiers, de mûriers et de caroubiers
• renaturé les lagunes, leurs rives et les prairies adjacentes
• assuré la base alimentaire de nombreuses espèces d'oiseaux aquatiques en mettant fin à la pêche illégale
• construit une clôture de protection de plus de 10 km de long, approuvée par les autorités, autour des zones lagunaires de Pantano Cuba et Longarini et des prairies humides adjacentes
• mis fin au braconnage ainsi qu’à la chasse illégale et légale des oiseaux dans notre réserve et assuré ainsi la tranquillité de la zone de Pantani, nécessaire au repos des oiseaux migrateurs
• empêché l'utilisation des lagunes et des prairies adjacentes pour les loisirs et les sports nautiques

Ainsi, ce terrain de chasse lucratif est devenu un refuge pour oiseaux migrateurs unique dans la région méditerranéenne du sud de l'Europe.

Néanmoins, les défis auxquels nous sommes encore et toujours confrontés se révèlent coûteux en temps, en travail et en énergie, en plus d’être régulièrement sources de conflits. La protection de nos propriétés, actuelles et futures, dédiées à la conservation des oiseaux migrateurs et de la biodiversité, est une entreprise chronophage, qui exige endurance et sang-froid. Nous restons cependant déterminés et, avec le concours de nos amis, de nombreux protecteurs des oiseaux sur place et, si nécessaire, des forces de l'ordre régionales, nous affrontons courageusement toutes les adversités et les «tempêtes» qui se mettent en travers de notre chemin.

Les résultats des recensements hebdomadaires des espèces et des populations d'oiseaux, documentés scientifiquement par nos bird guards, montrent à quel point la biodiversité méditerranéenne et l'avifaune migratrice apprécient notre engagement en faveur de la zone de protection de Pantani.

Pantano Cuba/Pantano Longarini: Comparaison entre les populations d’espèces, 2017 vs. 2021 © SPA.IT

Vous pouvez découvrir d'autres informations intéressantes sur l'évolution des populations de diverses espèces d'oiseaux et d'animaux dans notre zone protégée de Pantani en cliquant sur les graphiques ci-dessous (documents en anglais):

Cliquez ici pour accéder aux fichiers PDF «espèces d'oiseaux dans la région de Pantani» (documents en anglais):

Recensement des espèces d'oiseaux dans la région de Pantani – Pantano Cuba

Recensement des espèces d'oiseaux dans la région de Pantani – Pantano Longarini

Grâce à des années de travail consacrées à informer la population locale sur notre engagement et sur les objectifs de protection des oiseaux dans la région de Pantani, nous avons pu progressivement établir une relation de confiance avec les écoles et les propriétaires fonciers de la région. Ce lien nous offre également de meilleures opportunités pour des négociations confidentielles et anticipées concernant l'acquisition de terres.

Les quelque 60 hectares de terrains en pente qui bordent l’est de la lagune Pantano Cuba ont une importance considérable pour nos objectifs de conservation. Leur exploitation agricole, en partie intensive, engendre en hiver le ruissellement d'engrais artificiels et de produits agrochimiques (pesticides) dans les eaux de la lagune. De plus, en été, l’activité agricole provoque des vents violents, qui nuisent également aux roselières naturelles et à la qualité de l'eau.

Seul l’achat de tous les terrains en pente adjacents pourra éliminer ces facteurs nuisibles à l'environnement, et ainsi améliorer durablement la qualité du biotope lagunaire. Cette entreprise bénéficiera ainsi aux plus de 60 espèces d'oiseaux aquatiques, dont les hérons, cigognes noires et blanches et flamants roses, aux insectes aquatiques, dont 18 espèces de libellules identifiées à ce jour, ainsi qu’à la tortue sicilienne des marais Emys trinacris, réapparue dans les lagunes après 15 ans de disparition.

Des paysans de la région nous ont appris que, depuis des années, des oiseaux chanteurs (chardonnerets élégants, linottes mélodieuses et tarins des aulnes) sont capturés dans les vignobles et les vergers d'oliviers et d'amandiers à l'aide de cages d'appât. Nous ne pourrons contrôler ces abus et mettre fin à la capture illégale d'oiseaux que si nous achetons les parcelles d'arbres fruitiers et de cultures adjacentes aux lagunes et mettons en place la surveillance des parcelles alentours qui ne peuvent pas être achetées.

Financer l’achat des terrains n’est pas tout. En effet, nous planifions ensuite les futures structures du biotope, adaptées au site, en plantant des haies d'arbustes sauvages siciliens ou des espèces d'arbres fruitiers, ainsi qu’en pratiquant une agriculture extensive écologique en faveur des espèces d'oiseaux chanteurs migrateurs, tels que le tarier pâtre, le tarier des prés, le chardonneret élégant, la linotte mélodieuse, la fauvette à tête noire, la fauvette grisette et la fauvette babillarde. Nous concentrons également notre intervention sur la préservation des espèces migratrices des champs, menacées d'extinction en Europe centrale. Parmi ces dernières, on trouve notamment la tourterelle des bois, le cochevis huppé, l'alouette des champs, le bruant proyer et l’œdicnème criard.

Depuis que l’exploitation économique et les activités illégales ont cessé dans nos zones de protection, de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs peuvent à nouveau se régaler de leurs spécialités de prédilection. Poissons, petits mammifères, reptiles, amphibiens, mollusques, escargots, vers, insectes, baies d'arbustes, céréales et olives sauvages, graines de plantes et fruits de mûrier constituent une base alimentaire pour les oiseaux migrateurs de passage (plus de 130 espèces) et pour les oiseaux méditerranéens (plus de 100 espèces), dont ceux-ci peuvent désormais profiter sans être dérangés.

Votre don rend possible l'achat de terrains d’une grande valeur écologique.